Jusqu'au bout, accompagner (récit)

Publié le par LaliceSAmuse

Jusqu'au bout, accompagner (récit)

Petit message : je n'ai pas oublié de poster ces derniers temps mais ce sont les vacances de la grande donc je prend mon temps avec elle et sa petite sœur. De plus je prépare toujours l'article sur le burn out mais j'attends vos questions, remarques... pour produire un contenu qualitatif. Donc je vous le repartage!

Les âmes sensibles au sujet du décès pourront s'abstenir de lire... le récit est romancé...

Infirmière en EHPAD plus ou moins débordée comme d'habitude, je me prépare à affronter cette nouvelle journée. J'insiste sur l'affrontement car en ce moment nous faisons face à une vague de décès. Avec le printemps, la mort s'invite dans les EHPAD, c'est pareil en Automne. Les demi-saisons sont souvent ravageuses. Va savoir...

Bref, ce matin comme les derniers autres, une appréhension m'envahie à chaque cognement de porte, alors que les soins palliatifs sont très importants pour moi. Comment vais-je retrouver Mme Unetelle ou M. Untel... Et ça va... Ils ont le sourire, m'accueillent à bras ouverts, un grand sourire aux lèvres, me complimentent ou pas sur ma coiffure du jour, une fleur dans les cheveux. Il  ou elle me demande le temps qu'il fait même si le volet est grand ouvert. Il fait gris et humide aujourd'hui, comme l' aujourd'hui de la narration d'ailleurs... 

On va l'appeler Marie, car c'est très commun finalement comme histoire. Elle va comme ces derniers jours. Tout doucement. Elle arrive à garder un demi sourire sous les lunettes à oxygène. Sa peau d'ordinaire bombée sous une petite couche de graisse et de joie de vivre, s'est flétrie comme rose à la tombée de la nuit. Les dernières semaines ont été difficiles pour Marie. Nous avons une tendresse particulière et infinie pour elle. Elle n'a pas d'enfant et que très peu de famille qui vient la voir. Nous devrons choisir ses derniers vêtements...

Comme chaque matin, je termine mes inlassables tours de l'infirmière, les médicaments, les piqûres, les pansements... et on recommence... Pendant celui des pansements, un appel... Marie ne va pas bien... Il faut l'aspirer... Mot sommes toutes gênant pour dire qu'il faut désencombrer ses voies respiratoires... Un geste qu'on ne pratique pas beaucoup d'ordinaire, mais ces dernières semaines, on a pu s'y entraîner...

Je rejoins deux aides soignantes qui ont désormais terminé sa toilette. Marie est encombrée effectivement. Je prépare mes gants. J'explique à Marie ce geste qu'elle connait désormais par cœur. Les aides soignantes sont de l'autre côté du lit, elles lui tiennent la main, lui caressent le bras. Je commence mon geste, aspire un peu dans la bouche de Marie. 

Mais je m'arrête. Je fais un sourire à Marie qui me le rend et demande à l'une des aide-soignantes de fermer un peu le volet. D'un regard nous nous comprenons et la plus jeune commence à verser une larme. Marie semble vouloir la consoler de son regard et de son sourire. Nous nous regardons tour à tour en tenant les mains de Marie. Mon téléphone sonne, je décroche pour dire que je ne suis pas disponible et le met dans le couloir avant de retourner au chevet de Marie. 

Dans un dernier sourire, Marie lâche son dernier souffle, les larmes coulent de plus en plus en fort sur les joues de la plus jeune aide soignante... Nous fermons toutes les yeux.

C'est à ce moment que je m'aperçois que je crois en cette croyance qui me fais vider les verres d'eau présents dans la pièce pour ne pas que l'âme aille se noyer dedans... 

Je vais reprendre mon téléphone, répond à la demande. Retourne voir Marie et les aides soignantes. Nous la préparons... selon protocole...

Ce n'est que le premier décès de la journée. La mort fait partie de la vie, et ce moment nous le rappelle. Ce n'était pas triste mais très émouvant. Ce n'était pas tragique, c'est une continuité. Ce n'est pas la ligne d'arrivée mais le virage dans le chemin...

 

<Lalice

 

Publié dans De L'autre Côté

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